Adolf Ogi : « Renoncer à l’ascension du Mont- Blanc a été une décision difficile à prendre ». RENCONTRE AU SOMMET 18
« LA MORT FAIT PARTIE DE LA VIE, PAS DES MONTAGNES » Ex-conseiller fédéral, Adolf Ogi est issu d’une famille de guides de montagne. Il désirait lui-même ardemment en faire sa profession. Âgé maintenant de 72 ans, il explique pourquoi cela ne s’est pas fait et parle de ses aventures en montagne les plus marquantes. Monsieur Ogi, il y a deux ans, vous avez dit vouloir gravir encore une fois le Blüemlisalphorn. L’avez-vous fait ? Adolf Ogi : Malheureusement pas. Je voulais à tout prix y aller l’année passée car la commune de Kandersteg m’a offert une croix sommitale dédicacée pour mes 70 ans. Mais la météo était définitivement trop mauvaise. Mais je vais y aller – je peux encore le faire ! (rires) Pourtant il s’agit d’une course exigeante : avant la pose des barres métalliques de sécurité, on y a compté plus de cent morts… Oui c’est vrai. Mais j’y suis monté pour la première fois à l’âge de onze ans. C’était une de mes premières grandes performances. Sur mandat de l’université de Berne, mon père faisait des mesures sur certains glaciers et celui de la Blüemlisalp en faisait partie. Notre cordée de quatre personnes avait traversé le Blüemlisalphorn, la Wyssi Frau et le Morgenhorn. La descente était incroyablement impressionnante : les parois extrêmement raides étaient couvertes de glace ; je n’avais pas de crampons. Alors, pendant trois heures, mon père a taillé des marches dans la glace, tellement profondes que le garçon de onze ans que j’étais, disparaissait presque dedans. Il savait à quel point le passage était dangereux. Les barres métalliques n’ont pas seulement été installées pour la sécurité, mais aussi pour l’orientation. On a tendance à vouloir rester sur l’arête, mais il faut tirer vers la droite. Sinon on arrive sur des dalles très abruptes qui sont recouvertes de glace. Beaucoup ont glissé à cet endroit. Jusqu’à il y a peu, le Mont-Blanc était aussi à votre programme. Vous l’avez maintenant rayé de la liste. Était-il difficile d’y renoncer ? Oui, très. Mais mon père m’avait une fois expliqué la différence entre la sagesse et l’intelligence. Cette décision faisait partie du chapitre sagesse. Un de mes amis proches, un guide de montagne, a subi un grave accident au Mont Blanc. Puis, avec la perte de mon fils, il m’est devenu évident que je devais renoncer à ce projet, que je devais prendre moins de risques et ne plus charger mon épouse avec ce genre de projets. Notre fille aussi est une alpiniste, mais ma femme n’est pas issue d’une famille de montagnards. Et je désire la prendre en considération. Mais à 70 ans, vous êtes quand même monté au sommet de l’Allalin. Oui, ça ne posait pas de problème et ce n’est pas difficile. Je voulais simplement me rendre encore une fois sur un quatre mille (rires). La même année, j’ai fait la haute-route reliant Arolla à Zermatt avec ma fille. Mais pendant cette traversée, ma décision de ne plus aller au Mont Blanc s’est consolidée. D’où vient votre passion pour les sports de plein-air? Elle est enracinée profondément dans mon corps. Mon père était forestier, guide de montagne, professeur de ski et président de RENCONTRE AU SOMMET 19
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