« J’aurais bien aimé être guide de montagne. » Toujours dans la poche : un cristal de roche. RENCONTRE AU SOMMET 20 commune. Dès mon plus jeune âge, les montagnes ont exercé une fascination sur moi. Comme une sorte de cathédrale. Elles relativisent tout. Elles nous montrent à quel point nos problèmes sont insignifiants. Les montagnes étaient déjà là lorsque nous sommes venus au monde et elle seront encore là bien après que nous soyons partis. L’amour de la montagne de mon père comportait deux facettes : en tant que guide de montagne, il m’a emmené très tôt sur les sommets. À 11 ans au Blüemlisalphorn, à 13 ans au Bietschhorn, puis à 16 ans au Cervin. Mais en même temps il était forestier et donc par nécessité il détruisait une partie de la nature. Sa volonté m’avait fortement frappé. Notre cave était régulièrement inondée par la rivière. Suite à cela, il a tout reboisé et j’y ai aussi planté plus de 200 arbres. Depuis nous n’avons plus jamais été inondés. J’ai vu de mes propres yeux l’efficacité des actes de mon père. J’ai appris également ceci : l’homme peut, si il le veut. Mon père était toujours prêt à aider. Cela m’a profondément marqué. Vous ne vouliez pas devenir à votre tour guide de montagne ? Si ! Et j’étais en bonne voie de le devenir. J’étais à l’époque secrétaire de l’office de tourisme Meiringen-Haslital, j’étais en forme, j’avais beaucoup grimpé dans les Engelhörner. Mais ça s’est passé autrement. En 1964, après les Jeux Olympiques d’hiver, il régnait une ambiance catastrophique à la Fédération Suisse de Ski. On m’a alors proposé un job dont l’objectif était clair : gagner des médailles à Sapporo en 1972. J’ai opté pour la Fédération de Ski. Et en 1972, l’équipe suisse gagnait sept médailles dont trois d’or. Est-ce que vous regrettez cette décision ? Je ne la regrette pas, mais j’aurais quand même bien aimé devenir guide de montagne. L’occasion ne s’est pas présentée, j’ai fait l’école de sous-officiers, l’école d’officier, puis la formation de professeur de ski et celle d’entraîneur. Il n’y avait simplement plus de place pour une formation de guide. Vous préférez les sports d’été ou d’hiver ? Les deux. Mais je me réjouis toujours beaucoup de l’hiver. J’aime le ski de fond, j’aime le ski et à Kandersteg les conditions sont parfaites pour ça. Je peux ainsi skier à fond pendant deux heures, et après descendre à ski jusque devant ma maison. Les pistes de ski sont illuminées jusqu’à dix heures le soir. De plus, je ne suis pas loin du Lötschental ou de Zermatt où ma fille tient un hôtel. Vous dites que les montagnes aident à trouver des réponses. Quand est-ce que cela a été le cas pour vous ? En tant que conseiller fédéral, quand j’étais fatigué, j’allais dans le Gasterental. C’est le lieu où je refais le plein d’énergie. La vallée est restée telle qu’elle était il y a 300 ou 400 ans. La Kander serpente sans entrave dans la vallée, le Geltibach jaillit directement de la paroi rocheuse. La nature nous montre à quel point elle est plus forte que nous. Elle nous met face à notre insignifiance.
« La nature nous montre qu’elle est la plus forte. » LE SPORT AU SERVICE DE LA PAIX Adolf Ogi (72 ans) est originaire de Kandersteg et habite aujourd’hui entre Fraubrunnen et Kandersteg. Pendant treize ans il a été le directeur de la Fédération Suisse de Ski (aujourd’hui Swiss Ski) avant d’être élu au conseil national en 1979 sous les couleurs de l’UDC. Il a été membre du Conseil fédéral de 1988 à 2000 et a assumé la présidence en 1993 et 2000. En 2001, il a été nommé par Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations Unies, conseiller spécial de l’ONU pour « le sport au service du développement et de la paix ». Il a quitté ce mandat en 2007. À côté de nombreuses autres distinctions et récompenses, il a aussi obtenu le titre de Docteur honoris causa de l’université de Berne. Sa femme Katrin est la mère de ses deux enfants, Mathias (décédé en 2009) et Caroline, qui, avec son mari dirige l’Hôtel Walliserhof à Zermatt. Une fois, en tant que président de la Confédération, vous avez mis au budget une séance du Conseil fédéral au Schilthorn dans le but de créer une unité. Oui, mon credo est le suivant : celui qui a un problème devrait monter sur une montagne, prendre de quoi manger un peu et ne redescendre que lorsque le problème est résolu. J’ai également proposé ça au Conseil fédéral. Après 50 minutes de séance sur le Schilthorn, j’ai envoyé les conseillers fédéraux dehors. La nuit tombait, les lumières se sont allumées, et on a pu contempler les Männlichen, la face nord de l’Eiger et le lac de Thun. Puis tous sont devenus comme des agneaux. La nature a touché chacun d’entre nous. Et nous avons pu établir le budget en toute sérénité. L’année suivante, en 2001, la Confédération a fait 6,5 milliards d’excédent. (rires) Quelle est votre expérience outdoor la plus marquante ? En 1948, à l’âge de six ans, lorsque j’ai grimpé avec mon père sur le Bire, la montagne classique de Kandersteg. Il y avait aussi un belge, Philip Frank, qui était à peu près aussi âgé que moi. Il ne parlait pas allemand et je ne parlais ni français ni flamand. Nous avons passé toute la journée suspendus à la corde de mon père, le temps s’est gâté et c’est devenu l’aventure. Mais nous avons réussi – ensemble. Lorsque nous sommes redescendus dans la vallée, nous étions amis. Spontanément je lui ai passé le bras sur l’épaule. Cette aventure m’a donné l’ouverture, ce que plus tard, en tant que conseiller fédéral, j’ai toujours réussi à L’APPEL DE OGI POUR LES CAMPS DE SKI L’encouragement apporté aux camps de ski en Suisse tient Adolf Ogi à cœur. « Les directeurs de l’éducation, les associations de l’hôtellerie et de ski, les entreprises de transport public, et tous les autres acteurs importants devraient ensemble mettre sur pied une grande action pour faire la promotion des camps de ski ». Selon lui, skier fait partie de notre culture et encourage les échanges entre les enfants des différentes régions linguistiques. « Il est important que les enfants laissent de côté leurs appareils électroniques, et que les enfants de la seconde génération puissent aussi accéder aux sports d’hiver. » Avec son association « Que la joie règne », Ogi a pour la troisième fois rendu possible l’organisation de camps de ski dans la commune de Walkringen. montrer. Nous avions des langues et des cultures différentes, mais l’aventure nous a soudés. Aujourd’hui, j’ai encore beaucoup d’amis de cette époque. La branche outdoor a passablement changé. Quelles sont les modifications qui ont été décisives à vos yeux ? Le développement de l’équipement et le confort croissant dans les cabanes CAS. Autrefois, il y avait très peu à manger dans les cabanes. Nous devions tout apporter. Par exemple, après notre école d’officiers, avec trois copains – il y avait Franz Steinegger – nous avons entrepris de faire la Haute-Route, mais à l’époque il fallait régulièrement redes cendre en vallée pour acheter des provisions. Puis en raison de la spécialisation, il RENCONTRE AU SOMMET 21
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