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Inspiration 03/2015 fr

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Toujours de la partie :

Toujours de la partie : Emilia et Valentin, les enfants d’Anne et Oskar. Maria Müller de la Bussalp : « Pour moi, chaque vache est une personnalité. » RENCONTRE AU SOMMET 20 devant l’écurie pour savourer ces moments sacrés dans la quiétude du matin. En général les enfants dorment encore. Aahhh ! Et je réalise que c’est pour ça que je suis ici ! Pour ces moments que je ne pourrai jamais vivre en bas dans la vallée. Simplement fascinant ! » Anne et Oskar Krüger, 39 ans, alpage de Mutten près de Thusis Anne et Oskar Krüger, 39 ans, ont aussi été envoûtés par la vie d’alpage. Anne raconte qu’au début, elle en était vraiment dépendante. « Comme ingénieure agronome, j’ai encore étudié la culture biologique à Witzenhausen en Allemagne, et chaque été j’ai tout quitté pour venir m’installer sur un alpage en Suisse. » Entre-temps, son rêve de toujours de fonder une famille et de mener une exploitation agricole s’est réalisé, avec Oskar – en Patagonie. Là-bas pendant les mois d’hiver, le couple gère une exploitation agricole à Chile Chico, un petit village de 3000 âmes « au bout du monde ». Ils financent leur vie simple d’agriculteurs dans la Pampa de Patagonie avec leurs revenus économisés régulièrement sur l’alpage en Suisse, pendant les hivers sud-américains. Ainsi, ils ont, avec leurs deux enfants, Emilia, 6 ans, et Valentin, 5 ans, en réalité deux maisons : la ferme au Chili et l’alpage Muttner dans les montagnes grisonnes. « Nous vivons notre rêve, Oskar et moi », rayonne Anne. « Nous sommes tous les deux agriculteurs par passion. Ici, sur l’alpage avec le bétail, et en Patagonie, avec la culture des fruits et des légumes. Mais le changement entre les deux mondes est quand même très astreignant ! » Pas seulement en raison de leur vie nomade, du moment difficile de l’hivernage, lorsque toute la famille quitte la petite Estancia pour passer l’été sur l’alpage en Suisse. Ce qui leur coûte beaucoup d’énergie, c’est aussi le réveil matinal à cinq heures, cinq heures et demie, quand il faut ramener les 45 vaches du pâturage à l’écurie pour la traite. Mais les doux rêveurs des alpages nous racontent tout cela dans la cave à fromage, avec un petit sourire au coin des lèvres, tout en badigeonnant les pièces de fromage à l’eau pour éviter qu’elles ne sèchent. « L’agriculture est notre métier, et nous l’aimons. L’alpage en fait partie », poursuit Oskar. Et Anne ajoute : « Ce travail me convient. Même si je ne suis plus aussi euphorique qu’autrefois. Je me souviens encore de mon premier été sur l’alpage, quand ma maman m’a dit : « L’alpage, c’est bien beau, mon enfant, mais on ne peut pas faire ça longtemps ! » Entre-temps, plus de douze années se sont écoulées. Et Oskar avance une raison très pragmatique à cela : « Nous gagnons assez bien notre vie ici. En Suisse, le travail sur l’alpage est tellement subventionné. » Anne est d’avis qu’il est normal que l’État soutienne les alpages avec beaucoup d’argent. « Mais faire croire que c’est comme au pays de Heidi et que tout le mon-

Anna Mathis Nesa : « C’est purement le fruit du hasard si Riccardo, les enfants et moi avons attéri à la Güner Alp. » RÊVE D’ALPAGE Chaque année, pour la montée à l’alpage fin mai, début juin, un bon nombre de personnes, surtout des femmes, citadines ou non, vont travailler à l’alpage. Elles s’occupent tout l’été des chèvres, vaches, génisses, chevaux, moutons et depuis peu aussi des lamas. Elles font le fromage. La décision se prend afin de pouvoir vivre dans la nature – sans le luxe habituel, parfois avec un sentiment d’euphorie, parfois dans la solitude, mais le travail lui, sera toujours astreignant. L’auteure Daniela Schwegler a rendu visite à des exploitantes d’alpages de divers horizons. 15 femmes entre 20 et 75 ans ont raconté leur vie sur l’alpage, les revers et aussi la joie qu’elles retirent de la nature, des bêtes, du soleil et du ciel bleu. Ce livre donne un aperçu de la réalité du rêve d’alpage qui peut, pour certains naïfs, aussi vite tourner au cauchemar. D’impressionnantes photos de Vanessa Püntener nous font entrer dans le quotidien de ces femmes. Chaque portrait est accompagné d’une proposition attractive de randonnée au départ de l’alpage et d’une de ses recettes de cuisine. de sur l’alpage fabrique son fromage avec ferveur dans un chaudron sur un feu de bois ouvert, ça c’est un leurre ». Oskar sait bien que beaucoup d’exploitants d’alpages sont là par nostalgie. Et Anne avoue, avec un clin d’œil : « Oui, bon, nous ravivons probablement les besoins archaïques des humains avec nos activités en Patagonie : faire du feu chaque jour, abattre régulièrement des animaux et creuser la terre à mains nues pour planter nos légumes. » Néanmoins, Oskar n’est pas un romantique qui idéalise la vie sur l’alpage. « L’alpage est une partie de notre métier », explique-t-il. « Nous travaillons de façon terre à terre et professionnelle. Au contraire de beaucoup d’exploitants d’alpages qui le font juste quelques étés. » « Beaucoup de personnes chercheraient une expérience qui les confronte à leurs propres limites », remarque Anne en passant. « Nous aussi, nous apprenons à connaître nos limites ». « Du travail à l’alpage Muttner, il y en aurait pour trois personnes », ajoute Oskar. Mais il ne serait alors plus rentable financièrement. « Nous sommes dépendants de l’argent ». Et ceux qui travaillent sur un alpage juste comme ça ont souvent fait baisser les salaires. « Pour la qualité que nous assurons dans notre travail, nous devrions être plutôt mieux payés,… avec toute l’expérience et les heures de travail que nous fournissons. » Anne et Oskar gagnent chacun 165 francs brut par jour. Pour 12 heures de travail en moy- «Traum Alp. Älplerinnen im Porträt» (en allemand uniquement), Rotpunktverlag 2013, 4. Auflage, CHF 34.- Pour ceux qu’un été sur l’alpage intéresse, une vue d’ensemble des cours, infos, offres d’emploi et conditions de rémunération est à trouver sous : www.zalp.ch. enne par jour, c’est un salaire horaire de 13 francs brut. Et ça, sans pouvoir cotiser à une caisse de pension. Et ça, 90 jours de présence d’affilée, jour et nuit, sept jours sur sept ! « Ça n’a rien à voir avec une existence romantique », résume Anne. « Quand même, un exploitant d’alpage est un peu comme à Ballenberg ! Beaucoup de visiteurs sont complètement emballés. Ils trouvent ce métier incroyable. » Oskar secoue la tête en esquissant un sourire : « C’est drôle que tant de personnes proclament : en réalité, j’aimerais bien être paysan, mais malheureusement je suis employé de banque. » Maria Müller, 42 ans, Bussalp près de Grindelwald Réaliser son rêve, Maria Müller, 42 ans, exploitante d’alpage à Bussalp près de Grindelwald, elle, l’a cependant aussi fait. « Les vaches me fascinaient déjà lorsque j’étais enfant. J’ai grandi à Teufen dans le canton d’Appenzell Rhodes Extérieures. À l’école, lorsque j’entendais carillonner des cloches de vaches, je courrais à la fenêtre pour assister RENCONTRE AU SOMMET 21

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