Rencontre au sommet Nicole Niquille Thema Rubrik « Seul celui qui suit son chemin peut laisser une trace. » Nicole Niquille a été la première Suissesse à devenir guide de montagne, puis à s’attaquer aux plus hautes montagnes du monde. Mais depuis un accident survenu il y a exactement 30 ans, elle se déplace en chaise roulante. Dans notre interview, elle parle de l’alpinisme moderne à très haute altitude, de la restriction des libertés en montagne et du quotidien – et aussi pourquoi le Breithorn est aujourd’hui plus beau qu’autrefois. Interview Stephanie Geiger « Lorsqu’on est vivant, on doit aussi vivre des choses, sinon on ne fait qu'exister. » Même après les hauts et les bas de sa vie, Nicole Niquille, née en 1956, regarde imperturbablement vers l'avant. Nicole Niquille, cela fait longtemps que nous n’avons entendu parler de vous. Comment allez-vous ? Je vais très bien, merci. Ma vie ne s’est pas arrêtée le jour qui m’a cloué en chaise roulante. Elle a seulement pris une autre orientation. Ma vie n’est pas celle dont je rêvais adolescente : une vie dans la montagne, cheveux au vent et partagée avec des compagnons de cordée. J’ai quand même eu le privilège de vivre cette vie-là pendant une décennie ! Mais maintenant, je ne changerais ma vie actuelle contre celle de personne ! C’est ma vie, je l’aime comme elle est, avec ses obstacles. Depuis l’accident en mai 1994, presque 30 ans ont passé. Sur une échelle de 0 à 10, quelle doit être notre force pour pouvoir vivre la vie de Nicole Niquille ? Dix. C’est clair. Je pense qu’on pourrait même étendre l’échelle et dire onze. Vous étiez une pionnière : en 1986, vous étiez la première Suis- sesse à obtenir le brevet de guide de montagne. Vous avez été la première femme à atteindre des altitudes de plus de 8000 mètres sans oxygène. C’était au K2. Établir des records, être la première… c’était important pour vous ? Non, ça n’a jamais été un but en soi et ça ne l’est toujours pas. Lorsque je suis devenue guide de montagne, je ne savais pas que j’étais la première Suissesse. À l’époque, il y avait déjà Renata Rossi qui était guide de montagne et qui vivait en Suisse. Ensuite, c’est parce que je voulais faire le K2 sans oxygène que je suis devenue la première femme à se balader sans oxygène au-dessus de 8000 mètres. Je vis avec ces records, je ne les ai pas recherchés. Mais décrocher ces records m’a tout de même montré que je devais être plutôt douée. Avec votre partenaire de l’époque, Erhard Loretan, vous avez été au K2 et à l’Everest. C’était dans les années 1980. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Photo : Caroline Fink 40 41
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