Rencontre au sommet Nicole Niquille Nicole Niquille voyage au moins une fois par an au Népal, elle y a fondé un hôpital et le soutient grâce à une fondation. pas en chaise roulante, personne ne m’aurait fait ça. Pourquoi le faire maintenant ? Je pense que comme pour les autres, il faut aller à la rencontre des personnes en situation de handicap sans préjugés. Vous vous engagez depuis de nombreuses années pour les personnes qui habitent en montagne, pour leur bien-être, en particulier au Népal. Il y a là-bas un hôpital que j’ai fondé. Comment est-ce arrivé ? Après mon accident, j’ai tenu une auberge. Un Népalais travaillait chez nous. Il s’appelle Ang Gelu Sherpa, il est le frère de la première Népalaise à avoir gravi l’Everest. Avec son succès à l’Everest, et la visibilité que ça lui donnerait, Pasang Lhamu Sherpa souhaitait améliorer la vie des femmes et des enfants de son pays. Mais elle est décédée dans la descente et n’a jamais pu réaliser son rêve. C’était en avril 1993. Je souhaitais contribuer à ce que sa famille puisse réaliser une petite partie de son rêve. J’ai souhaité utiliser l’argent que j’avais reçu de mon assurance accident pour un but humanitaire. C’est ainsi qu’est venue l’idée de construire un hôpital à Lukla. Marco, mon mari, et moi avons mis une fondation sur pied. Pour elle, je dois trouver chaque année 500 000 francs suisses. Trouver autant de donateurs privés est un immense défi, un véritable combat. Mais quand je vois les visages heureux au Népal, je suis fière et je sais que cet engagement vaut la peine. Du coup vous vous rendez régulièrement au Népal. C’est juste. Au moins une fois par an. Lorsqu’on parle de restrictions des libertés, le Népal est souvent le premier pays auquel on pense. Dans un premier temps, je le pensais aussi. Après l’accident, j’ai écrit à mon ami Pema Dorjee Sherpa que je ne pourrais plus voyager au Népal. Sa réponse a été : « Si tu ne peux plus marcher, alors on te portera. » Au Népal, mon handicap est beaucoup moins problématique qu’ici en Suisse. Là-bas, il y a toujours une solution. Lorsque mon mari Marco ne peut pas m’accompagner, une amie vient avec moi. Elle me met au lit et m’aide à faire ma toilette. De plus, trois Sherpas m'accompagnent. Deux qui me portent, et un qui porte ma chaise roulante. C’est quand même un peu l’aventure non ? Je me souviens très bien d’une situation. Nous étions en route pour Namche Bazar, le principal village de la région de l'Everest. Nous avons dû attendre devant le grand pont parce qu'une caravane de chevaux le traversait. Et quand les chevaux sont passés, nous avons traversé le pont. Un porteur me portait. Il y avait un peu de vent ce jour-là. C'est alors qu'un touriste est venu à notre rencontre et m'a aboyé dessus : « Tu veux mourir ? » « Non », ai-je répondu. « C’est exactement le contraire, je veux vivre». Car si on vit, on doit aussi prendre des risques, sinon on ne fait qu'exister. « Au Népal, mon handicap est beaucoup moins problématique qu’ici en Suisse. » sur les montagnes les plus hautes, aussi dans les Alpes. Que conseillez-vous aux personnes en situation de handicap ? Tout ce qui fait du bien est positif. Et pour les personnes en situation de handicap, il est particulièrement important d’avoir un rêve et de le suivre. Il y a toujours des rêves qu’on peut réaliser. Seul celui qui suit son chemin peut laisser une trace. Sans le vivre, on ne peut pas s’imaginer le quotidien d’une personne en situation de handicap. Chaque jour est un défi, vraiment chaque jour. C’est pourquoi les personnes en situation de handicap devraient vivre et réaliser leur rêve, au moins pendant un petit moment. Et si le rêve est justement d’arriver d’une manière ou d’une autre sur une montagne, alors c’est ça. J’aimerais bien refaire une sortie comme celle du Breithorn. Vous avez déjà une idée concrète ? Non, mais je suis ouverte aux propositions. Souhaitez-vous être un exemple ? La Fondation suisse pour paraplégiques vous a récompensée pour l’œuvre de toute une vie. Si ça peut aider, je peux volontiers servir d’exemple. Mais je ne veux pas être assise dans une chaise roulante, juste pour être un exemple en chaise roulante. Qu’est-ce qui est le plus pénible dans votre quotidien ? Je n’ai aucun problème avec les constructions. Par exemple, ça ne me dérange pas de ne pas pouvoir monter un escalier, ce qui me dérange c’est le comportement des gens avec les personnes en situation de handicap. La façon dont on me regarde, la façon de me regarder d’en haut. En chaise, je suis toujours plus basse que les autres. Je vis ça comme un inconvénient. Il y a même des gens qui posent leur main sur ma tête et qui la tapotent, comme si j’étais un enfant. Ces comportements me dérangent. Quand je n’étais Nicole Niquille Nicole Niquille, née en 1956, a été en 1986 la première Suissesse à tenir entre ses mains son brevet de guide de montagne. Elle avait d’abord découvert l’escalade dans les Gastlosen. Peu après, on la retrouvait au mont Blanc, sur l’Eperon Frendo ou au Trollryggen en Norvège, avant d’entreprendre des expéditions au K2 et à l’Everest avec son partenaire de l’époque Erhard Loretan. Le 8 mai 1994, alors qu’elle était partie cueillir des champignons, elle reçut une pierre sur la tête. Diagnostic : traumatisme crânio-cérébral. La partie du cerveau la plus touchée était celle qui se charge des mouvements. D’une seconde à l’autre, tout avait changé. Depuis, Nicole Niquille se déplace en chaise roulante. Mais il en fallait plus pour la décourager. Pleine d'énergie et de dynamisme, elle a obtenu sa patente de restauratrice et a ouvert un restaurant. Elle a ensuite créé une fondation qui lui a permis d’ouvrir un hôpital au Népal. Depuis, elle se rend régulièrement dans ce pays de l'Himalaya. Et c'est toujours en montagne qu'elle trouve son bonheur. Photos : Ephraim Bieri, Caroline Fink 44 POUR ATTEINDRE LA PERFECTION, DITES NON AUX COMPROMIS. JUSQUE DANS LES MOINDRES DÉTAILS. 45 VAJOLET GTX MID | MOUNTAINEERING www.lowa.ch
Loading...
Loading...