Rencontre au sommet Tobias Ryser Thema Rubrik « Le brouillard est la plus grande diva que je connaisse. » Interview d’un « pêcheur de lumière » : le photographe nature Tobias Ryser s’exprime à propos d’un Photoshop analogique, de la perfection comme maladie professionnelle et de ce qui rend les arbres laids. Interview Thomas Ebert Photos Tobias Ryser Pour le grand photographe nature Ansel Adams, douze bonnes photos en un an représentaient un bon rendement. Est-ce que cela s'applique aussi à ton travail ? Il en faut beaucoup pour qu’une photo soit très bonne ou presque parfaite à mes yeux. Si je fais douze photos par an où tout est parfait pour moi, je suis méga satisfait. En général, je reviens de chaque sortie avec une bonne photo et quelques autres correctes, mais pas de celles qui donnent envie de crier. Je travaille longtemps autour de mes photos et je vais souvent aux mêmes endroits, car je visualise comment pourrait être l'endroit si les nuages étaient encore un peu plus beaux, les fleurs encore un peu plus parfaites. C'est uniquement quand je suis satisfait que je peux lâcher prise et me rendre à un autre endroit. Sur ce point, je suis perfectionniste. Rechercher la perfection dans la nature, estce possible ? C’est un peu la maladie des photographes nature : ça pourrait toujours être encore un peu mieux. Un arc-en-ciel, un double arc-enciel, un arc-en-ciel reflété, et en haut de la crête encore un bouquetin... On a des images de rêve dans la tête. Être content même avec d'autres images, c'est tout un art. De toute façon, on ne peut pas le forcer. On peut planifier à l'infini, mais à la fin, quand on est là-haut, la lumière vient ou ne vient pas. C'est, si l'on veut, de la grâce. Si tu es trop tendu, si tu perds la joie, le feu intérieur, le regard d'enfant – je le vois quand mon fils de sept ans m'accompagne lors de sorties photo – alors ça ne marche pas. J'ai vraiment dû apprendre cette combinaison de décontraction et de professionnalisme. La photographie est-elle le bon moyen d'atteindre la perfection ? On pourrait en effet, comme un peintre romantique, simplement peindre le violet qui manque, laisser tomber l'antenne du Säntis et mettre la lune là où ce serait parfait ? J’adorerais savoir peindre, mais je n'ai pas ce don. La photographie est mon moyen d'expression. Je suis quelqu'un qui préfère capturer quelque chose de beau avec un œil émerveillé plutôt que de créer moi-même quelque chose de beau. Bien sûr, je fais la composition moi-même, mais je n'ai pas besoin de concevoir, de créer moi-même le sujet. Cela n’empêche pas qu’il y a énormément à créer en photographie. Pour moi, c'est comme respirer, manger, c'est juste là. Tu dis de toi que tu as le don d'anticiper la lumière. Comment cela fonctionne-t-il ? C'est une combinaison de connaissances – étudier les modèles météorologiques, interpréter les météogrammes, lire les altitudes de nuages, tout l'aspect scientifique. Et puis il faut de l'expérience : je sais souvent intuitivement quand le brouillard est sur le point de tomber, comment il va réagir à l'heure bleue, s'il va se densifier ou se dissiper, où est-ce que la météo va tenir encore un peu plus longtemps en raison du fœhn. Je me déplace exclusivement en Suisse et j'ai une assez bonne perception de ce pays. Est-ce un sixième sens qui manque à certains, ou simplement beaucoup de connaissances et d'expérience ? Les sentiments jouent un rôle super important. Parfois, je pars la nuit avec deux ou trois idées en tête, j'ai vérifié la météo, choisi les endroits. Et puis, à un croisement, je tourne tout simplement ailleurs. Ce sont des décisions intuitives, comme des voix intérieures, couplées à l'expérience. Il faut goûter la lumière, l'anticiper. Et sur le terrain, lors de la composition, je ne réfléchis plus beaucoup, seules les émotions décident. La nature a la réputation d'être imprévisible. Mais en tant que photographe de paysage, Photo : màd 40 Les montagnes comme deuxième maison : « Elles m’offrent la force, le calme 41 et la paix intérieure. »
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