BON PLAN TESSIN Le clocher d'Intragna culmine à 65 mètres de hauteur et représente le campanile le plus élevé du Tessin. re, il séduit par son isolement : plus que jamais, les gens sont en quête d’oasis de tranquillité, éloignées de l’agitation du monde. Les rayons du soleil caressent les ruelles pavées ; un chat prend un bain de soleil sur un rebord de fenêtre. Le regard erre sur les innombrables ramifications des Centovalli. Au sud-ouest, à l’horizon, scintillent quelques sommets des Alpes valaisannes. Ce ravissant village de carte postale a été fortement touché par l’exode rural, la population de Rasa passant de 200 à une dizaine d’habitants. Une chance que Hans Bürki soit Fabio Minesso est à la fois torréfacteur, barista et tenancier du Grotto Magini à Intragna. l’eau clapote. Dans un pli se cache un moulin, en bordure d’étangs scintillant au soleil et bordés d’azalées. Un pont de pierre arqué enjambe le torrent et je passe devant un petit sanctuaire magnifiquement peint. De temps à autre, le sentier est joliment pavé, à l’image d’un chemin muletier. Selon Dellagana, l’infrastructure et la main d’œuvre d’alors avaient leurs limites et l’on ne pouvait pas tout transporter. Le commerce se concentrait donc sur les choses que l’on ne pouvait pas fabriquer soi-même. Je continue sur le chemin qui monte et descend doucement, tantôt le long de falaises, tantôt dans un terrain en terrasse où l’on cultivait jadis des céréales et des légumes, puis à nouveau à travers des villages. Tous ceux-ci bordent la Via del Mercato et non la route principale actuelle, qui se trouve plus bas et n’a été construite qu’au milieu du XIX e siècle. Peut-on vraiment apercevoir le clocher d’Intragna depuis n’importe quel village ? Selon certains, c’est précisément pour cette raison qu’il a été construit aussi haut, dans la seconde moitié du XVIII e siècle. Avec ses 65 mètres, il reste le campanile le plus élevé du Tessin. De son sommet, on jouit d’une vue lointaine et plongeante. On y aperçoit notamment le toit de l’Albergo Antico, où l’on peut s’offrir une superbe nuitée dans un cadre médiéval. Puisqu’il s’agit d’un Bed & Breakfast qui n’offre que le déjeuner, je soupe au Grotto Maggini, au bord de la rivière. J’y déguste de délicieux mets et découvre la passion du patron pour le bon café. Fabio Minesso me raconte qu’il lui a fallu trois mois d’expérimentation pour créer un mélange équilibré de grains, qu’il torréfie lui-même une fois par semaine. C’est son grand-père qui lui a transmis ce savoir-faire. Outre du sel et d’autres denrées, on transportait du café sur la Via del Mercato. À voir les maisons patriciennes de Verdasio, à trois heures et demie de marche d’Intragna, on devine que ce commerce a dû rapporter un peu d’argent. À Verdasio, je quitte la Via del Mercato pour rejoindre le téléphérique de Rasa, qui me hisse vers une terrasse panoramique où une paix profonde m’envahit. VILLAGE DORMANT Rasa, village sans voitures habité toute l’année, est le point de départ d’innombrables randonnées. En out- « C’est incroyable de vivre autant de grands changements en une seule généation. » Le Balladrüm, au-dessus du Monte Verità, offre une vue magnifique sur le lac. passé par là, au détour de l’une de ses randonnées, au début des années 1960. Ce dernier a rencontré un jeune couple qui souhaitait vendre son bien dans ce village dépeuplé. Bürki a profité de cette opportunité, rénovant des maisons vides avec l’aide de nombreux bénévoles, donnant ainsi naissance au centre de formation et de vacances Campo Rasa, où les randonneurs peuvent passer la nuit dans une ambiance très chaleureuse. Le centre est exploité par le VBG, un réseau de chrétiens évangéliques, cofondé par Bürki. À table, on récite le bénédicité. Toutes les autres offres spirituelles sont facultatives. Pour mon ascension sur le Pizzo Leone, qui culmine à 1659 mètres, je me lève tôt. Des sentiers raides conduisent sur ce fantastique sommet panoramique, situé sur la crête entre les Centovalli et le lac Majeur. Ces sentiers traversent des ravins sauvages, où la neige peut demeurer longtemps. Chaque année, les catastrophes naturelles de l’hiver contraignent les constructeurs de chemins à de pénibles travaux de rénovation. La particularité de cet itinéraire réside dans son effet waouh, lorsque la forêt se retire brusquement sur la crête, faisant place à des alpages qui semblent se jeter dans le lac. Ici, nul besoin d’ailes pour se sentir libre comme un oiseau. De minuscules bateaux dessinent des lignes d’écume dans le fjord alpin. Juste sous mes pieds, j’aperçois les îles de Brissago. La descente riche en vues traverse tous les étages de végétation. La flore alpine devient méditerranéenne, tandis que l’aride se transforme en luxuriant. Je laisse les quartiers résidentiels sur ma droite, pivote à gauche et trouve une auberge à Arcegno, village qui contraste fortement avec le tumulte touristique de la proche Ascona. L’Hotel Zelindo est un havre de paix au cœur de la nature. Je m’y sens comme chez des amis. Le couple de gérants, Wendy et Andrea, dégage une gaieté contagieuse et gâte ses hôtes avec une bonne cuisine du terroir. 16 INSPIRATION 03 / 2021 17
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